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THÈME DU COLLOQUE

 « Savoirs et intelligences de l’action publique au défi des transitions »

A l’heure où les incertitudes sociétales (environnementales, sanitaires, technologiques, économiques, etc.) fleurissent de toutes parts (Bartoli, 2024), poser la question des savoirs et intelligences de l’action publique, dans un contexte académique, pourrait résonner comme une forme de défiance vis-à-vis du rôle classiquement assigné aux universités. Pour autant, une saine posture de doute rationnel, en tant que méthode scientifique, n’est-elle pas l’essence même à cultiver dans un tel environnement ? Cette posture générique du doute appelle un questionnement fondamental sur : quoi et comment construire, mobiliser et transmettre en termes de savoirs et d’intelligences dans une « société de l’incertitude » (Hansson, 2002) ? Dans ce cadre, le management public doit élargir sa focale en intégrant une analyse politique (Arendt, 1961) pour interroger la manière de mobiliser, protéger et organiser les savoirs et intelligences de la société elle-même, afin de revitaliser le débat démocratique et soutenir l’action publique. 

La perspective d’une ère post-vérité implique que les savoirs soient débattus, comparés, invalidés ou contestés selon des modalités qui ne relèvent pas seulement d’un processus scientifique, mais aussi de la légitimation, voire de la manipulation. Ces savoirs qu’ils soient dans les champs de l’action publique, des processus productifs ou démocratiques, ou plus largement du champ social, sont aujourd’hui remis en question de leur élaboration à leur diffusion, jusqu’à leur mise en œuvre et leur évaluation. Cela nous invite à ne pas négliger la question des parties prenantes impliquées, des acteurs et des intelligences qui permettent d’assembler, évaluer et mobiliser ces savoirs dans l’action et ce, dans une visée d’adaptation et d’anticipation (March 2006). Ces acteurs dépassent l’acception commune pour devenir animés comme inanimés, individuels comme collectifs (Horvath et Dechamp, 2016). 

De nombreux champs d’interrogations s’ouvrent, dès lors, à la communauté du management public. 

Le premier aborde spécifiquement les différentes facettes des savoirs. Leur expression comme « données », « informations » et « connaissances », bien qu’elle suscite des débats à la croisée des disciplines scientifiques (Bolisani et Bratianu, 2017), soulève de nombreuses problématiques. Comment la massification des données va influencer l’information puis la décision publique ? Dans quelle mesure les organisations publiques sont-elles aujourd’hui prêtes à recueillir, traiter et utiliser des données de plus en plus protéiformes ? Quels accélérateurs et quelles barrières jalonnent le chemin du Big Data dans le secteur public ? En prenant l’exemple des smart cities, nous pouvons questionner les effets de ces nouveaux systèmes sur l’innovation publique (Côme et al., 2018) comme démocratique. Les informations qui en sont dérivées permettent-elles de favoriser la transversalité requise entre acteurs publics, privés et société civile, tout en respectant les garde-fous du RGPD ? Comment les organisations sauront-elles lever les barrières à l’utilisation des données pour que celles-ci deviennent des informations pouvant éclairer l’action publique ? Enfin, comment intégrer et faire dialoguer les savoirs scientifiques et les savoirs profanes dans la formulation des politiques publiques et les débats de société (Hernandez et Turc, 2021). Comment concevoir des dispositifs innovants permettant une gouvernance collaborative renouvelée avec les citoyens (Nabatchi et al., 2017) ? Il s’agira sûrement de repenser la gouvernance des institutions non politiques, qui fondent et nourrissent le débat public (Du Boys et Soldo, 2024). 

Le second champ renvoie aux processus d’élaboration, recomposition, utilisation des savoirs par les intelligences vives qui les mobilisent dans la décision et la production de l’action publique. Devant la complexité des situations, la réflexivité des acteurs apparaît comme nécessaire à la mise en pratique des savoirs (Mériade et Mainetti, 2013). Les organisations du secteur public doivent-elles davantage recruter et cultiver les intelligences et talents capables de créativité, ou de mobiliser des faits scientifiques et technologiques ? Ces intelligences devraient-elles s’agencer sous la forme de compétences collectives (Brulhart et al., 2019) ou d’une intelligence collective ? Cette dernière agit-elle uniquement dans le cadre organisationnel, ou est-elle opérante à l’échelle des territoires et de leur gouvernance (Janin, 2024) ? 

Quid des intelligences non humaines (Dejoux et Gréselle-Zaïbet, 2021) ? Quels questionnements éthiques posent-elles au sein des organisations et dans la relation à l’usager ? La relation de l’IA aux données publiques répond-elle aux enjeux de responsabilité auxquels doivent s’astreindre les services et l’action publics ? Plus avant, à l’instar des théories de l’acteur-réseau, les IA peuvent-elles rejoindre l’intelligence collective développée par un service ou une organisation ?

De manière générale, le management public s’intéresse à la création du savoir pour tout type d’action plus ou moins organisée et collective (Bartoli et Hermel, 2024) du moment que l’intérêt général ou collectif l’exige. Dans la lignée des questionnements précédents, les chercheurs et décideurs publics doivent interroger l’élaboration et la formation des futurs acteurs du secteur public. Au regard des crises, des transitions et des évolutions technologiques récentes, la formation des managers publics exige-t-elle un changement de paradigme ? Tout changement de paradigme impliquant une migration des savoirs, comment orchestrer la dialectique désapprentissage/réapprentissage ? Comment composer avec l’inconfort de savoirs temporaires ou transitoires ? L’intégration de l’IA dans les organisations publiques bouleverse les modes de raisonnement, entraîne des risques de fragmentation de la pensée (Bertolucci, 2023) et fait peser un risque sur les responsabilités individuelles et collectives. Comment les acteurs publics sont-ils amenés à interagir avec ces outils censés « les augmenter » ? Face à leur rapidité d’évolution, comment permettre une adaptation continue des compétences ? Ces éléments amènent ainsi, à questionner nos modalités d’enseignement et de formation. Comment adapter nos modes d’apprentissage à ces évolutions technologiques ? 

Dans un monde en transition, il convient d’encourager les recherches sur les mécanismes et la gouvernance des savoirs susceptibles de favoriser une action publique résiliente et créatrice de valeur publique. L’édition 2026 du colloque AIRMAP s’efforcera d’apporter des éclairages à ces différents volets de questionnement. 

ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES 

Arendt, H. (1961). Condition de l’homme moderne. Calmann-Lévy.

Bartoli, A. (2024). Quelles adaptations du management public face aux défis sanitaires, environnemen-taux et psychosociaux ? Gestion et Management Public. 12(1) : 6-8. https://doi.org/10.3917/gmp.121.0006

Bartoli, A., & Hermel, P. (2024). La discipline des sciences de gestion et du management : autonomie, identité et ancrages. Gestion et Management Public. 12(HS1) : 13-22. https://doi.org/10.3917/gmp.hs1.0013

Bertolucci, M. (2023). L’Homme diminué par l’IA. Hermann. https://shs-cairn-info.lama.univ-amu.fr/l-homme-diminue-par-l-ia--9791037031570?lang=fr 

Bolisani, E., & Bratianu, C. (2017). The elusive definition of knowledge. In Emergent knowledge strategies: Strategic thinking in knowledge management (pp. 1-22). Cham: Springer International Publis-hing.

Brulhart, F., Favoreu, C. & Loufrani-Fedida, S. (2019). L’influence de la compétence collective sur la performance d’équipe : analyse du rôle modérateur du leadership partagé et du coaching. Management International. 23(4): 149-164. https://doi.org/10.7202/1066076ar

Côme, T., Magne, S. & Steyer, A. (2018). Être ou ne pas être une smart city : une étude empirique des innovations valorisées sur le site web des villes. Gestion et Management Public. 7(2): 73-101. https://doi.org/10.3917/gmp.072.0073

Dejoux, C. & Gréselle-Zaïbet, O. (2021). Introduction au Cahier « Intelligence Artificielle et Intelligence Collective : quels nouveaux cadres, défis et pratiques pour la fonction RH et le DRH ? ». Revue Management & Avenir. 122: 115-119. https://doi.org/10.3917/mav.122.0115 

Du Boys, C., & Soldo, E. (2024). Le Budget Participatif : Analyse des facteurs organisationnels de l’effectivité d’un dispositif à la mode. Management International, Publication anticipée :1-34. https://doi.org/10.59876/a-rjjp-1c0n 

Hansson, S.-O. (2002). Les incertitudes de la société du savoir. Revue Internationale des Sciences So-ciales. 171(1): 43-51. https://doi.org/10.3917/riss.171.0043 

Hernandez, S. & Turc, E. (2021). Charles Lindblom. L’aspiration démocratique d’un iconoclaste. In Chatelain-Ponroy S., Gibert P., Rival M. & Burlaud A., Les grands auteurs en management public. Éditions EMS, Paris, 95-103.

Horvath, I. & Dechamp, G. (2016). Quand les pouvoirs publics favorisent la proximité pour stimuler la créativité du territoire. Gestion et Management Public. 4(2): 139-157. https://doi.org/10.3917/gmp.044.0139 

Janin, C. (2024). Intelligence collective : Enseignements de sa mise à l’épreuve dans des territoires de Rhône-Alpes. Revue d’Économie Régionale & Urbaine. Publication anticipée : 5n-23n. https://doi.org/10.3917/reru.pr1.0065 

March, J. G. (2006). Rationality, foolishness, and adaptive intelligence. Strategic Management Journal. 27(3), 201-214. https://doi.org/10.1002/smj.515 

Mériade, L., & Mainetti, N. (2013). La réflexivité des acteurs face à la complexité des organisations pu-bliques : un levier interactif de contrôle de la performance universitaire ? Gestion et Management Public, 13(1) : 3-23. https://doi.org/10.3917/gmp.003.0003 

Nabatchi, T., Sancino, A., & Sicilia., M. (2017). Varieties of Participation in Public Services: The Who, When, and What of Coproduction. Public Administration Review. 77(5): 766-776. https://doi.org/10.1111/puar.12765 

 

 CONDITIONS ET MODALITÉS DE SOUMISSION 

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